Les Etats généraux de l’alimentation se sont conclus peu avant Noël 2017 sur l’annonce d’une loi pour soutenir les producteurs face à la grande distribution, et une foule de projets à mettre en oeuvre durant le quinquennat afin de parvenir à une alimentation « saine, sûre, durable et accessible à tous ».
- 1 – Projet de loi sur l’alimentation : il sera adopté avant la fin du premier semestre 2018 par ordonnances. Deux points sont actés : la lutte contre la vente à perte, et l’encadrement des promotions abusives.
Les produits alimentaires ne pourront plus être vendus dans le commerce en dessous du prix d’achat majoré de 10 % pour couvrir les frais de logistique et transport. Egalement terminées, les promotions du type « un acheté, un gratuit » : elles pourront porter au maximum sur un tiers (34 %) de la valeur des produits, soit « deux achetés, un gratuit », et 25 % du volume vendu par an. Ces mesures expérimentales seront suivies pendant deux ans, notamment pour voir si l’agroalimentaire répercute ces nouvelles mannes sur les exploitants.
Le texte de loi comportera d’autres articles concernant le domaine environnemental ou la sécurité sanitaire : il annoncera notamment la séparation chez les fournisseurs agricoles entre la vente et le conseil pour tout ce qui touche aux pesticides, et il introduira la création d’un délit de maltraitance animale dans les abattoirs et les transports d’animaux.
Enfin, les sanctions pour non-respect des règles de bien-être animal seront renforcées, passant de 6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende à 1 an et 15 000 euros d’amende.
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- 2 – Bio, pesticides, gaspillage alimentaire, santé, commerce… Un plan de développement de l’agriculture bio sera annoncé d’ici la fin du premier trimestre 2018. De 6,5 % de la surface agricole du pays actuellement, le bio devrait augmenter à 15 % en 2022, avec pour objectif 30 % en 2030. Outre le problème du financement, le plan devra aussi répondre aux grandes disparités qui existent.
Pesticides : le calendrier d’élimination progressive des phytosanitaires, dont le glyphosate, sera précisé « au plus tard » à la fin du premier trimestre 2018, après une concertation « avec l’ensemble des parties prenantes au mois de janvier », a indiqué Stéphane Travert.
Commerce : création d’une « marque France » pour promouvoir les produits agroalimentaires français à l’étranger. Adoption d’un nouveau plan de commerce équitable pour les importations agricoles de pays du sud. – Paris va demander à Bruxelles la création d’un observatoire des risques sanitaires liés aux non-conformités pour les produits agroalimentaires importés dans l’UE.
Les collectivités locales (départements, métropoles, EPCI, communes) vont être incitées à élaborer 500 projets alimentaires territoriaux (PAT) d’ici 2020 pour structurer l’approvisionnement en circuits de proximité.
- 3 – Plans de filières agricoles. Une trentaine d’interprofessions ont déposé des « plans de filière », dont celui des vins (lire ci-dessous), donnant leurs objectifs à cinq ans. Tous ces plans de filière vont être examinés par le gouvernement pour déterminer le montant des investissements publics.
- 4 – Investissement, modernisation, transition. L’atelier 14 des Etats généraux a défini cinq grandes priorités pour un investissement public prévu de 5 milliards d’euros afin de financer à la fois la modernisation et la transition écologique de l’agriculture française. Parmi elles, l’agroécologie, avec priorité à la baisse forte des phytosanitaires et des antibiotiques, et les économies d’énergie, via le développement notamment de la méthanisation.
Selon Stéphane Travert, ce plan d’investissement « devra être finalisé pour le salon de l’agriculture » qui s’achève le 4 mars.
Le plan de la filière « vins » a été remis, lui, au ministre de l’Agriculture à la fin janvier. Les acteurs du monde viti-vinicole, qu’il s’agisse de la production ou du négoce, avaient travaillé l’automne dernier à un plan ambitieux visant à assurer les conditions du maintien de leadership mondial de la filière viticole française.
Ce plan se décline en quatre axes :
- L’engagement social : au service d’un meilleur environnement de travail préservant la santé et la sécurité des personnes qui travaillent à la vigne et dans les caves.
- L’engagement environnemental : pour faire face au changement climatique et faciliter la transition écologique attendue par la société française : l’objectif est, à terme, la sortie des pesticides sous réserve de trouver des alternatives fiables qui participent aussi à la création de valeur.
- L’engagement sanitaire : c’est-à-dire l’amplification du travail de sensibilisation et d’éducation à une consommation sans risque pour la santé.
- La création de valeur à tous les maillons de la chaîne et un juste partage : pour la filière vinicole, améliorer la création de valeur, c’est notamment une politique export plus ambitieuse et plus cohérente en phase avec les attentes de ses marchés. C’est aussi une capacité de résilience face aux aléas économiques et climatiques. Cette résilience de filière pourra être accompagnée par un dispositif fiscal d’épargne de précaution, tel qu’évoqué par le Président de la République lors de ses voeux au monde agricole le 25 janvier.
La filière « vins » va continuer le travail, pour l’adapter notamment aux spécificités de chaque zone de production. Elle compte en son sein des entreprises à caractéristiques nombreuses et hétérogènes, réparties sur la quasi-totalité du territoire français. Cet engagement devra s’accompagner de celui de l’Etat sous la forme d’un contrat filière. « La remise du plan filière « vins » a été rendue possible grâce à la position de la Présidence de la République », explique Jean-Marie Barillère, le président du Comité national des interprofessions des vins à Appellation d’origine et Indication géographique (CNIV), indiquant par courrier officiel que « l’objectif est de lutter contre les consommations excessives et à risque, ce qui nécessite d’investir en amont dans la prévention ».
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Dans cet esprit, les acteurs de la santé et de l’économie vont être amenés à travailler ensemble pour mener à bien « la révolution de la prévention », poursuit Jean-Marie Barillère. Selon les propres termes du Président de la République, la filière vinicole représente « l’âme de la France ». Elle porte en elle une forme d’excellence. « Nous devons conforter ce statut et transmettre cet héritage aux générations futures, la réussite économique nous permettant de réaliser la transition écologique. »
Le Languedoc, une locomotive pour la filière
La feuille de route de la filière « vins » est donc désormais connue. Elle met notamment fortement l’accent sur la transition écologique dans un contexte de pression sociétale forte. La filière viticole française en a bien conscience : elle n’a d’autre choix que de réduire l’usage des pesticides, une voie que de nombreux bassins viticoles ont d’ailleurs déjà emprunté depuis plusieurs années. Et les ambitions sont fortes : 50 % des exploitations certifiées HVE ou Bio d’ici 2025, sortie totale des herbicides, renouvellement dans les 5 ans des 2/3 du matériel de pulvérisation peu performant, privilégier l’usage de produits phytosanitaires alternatifs… Des ambitions qui devraient notamment être déclinées dans les différentes appellations par le biais de modifications des cahiers des charges afin de permettre un mode de conduite différent, économe en produits phytosanitaires, et utilisant, en partie, des variétés résistantes aux principales maladies fongiques que sont le mildiou ou l’oïdium.
Une démarche qui devrait prendre trois à cinq ans. « Nous avons entendu les attentes sociétales, légitimes », indique Jean-Marie Barillère, mais « il n’y aura pas de transition écologique sans développement économique », prévient-il. Il faut qu’un « vigneron qui ne met pas en œuvre un plan de viticulture durable gagne moins que celui qui le fait. » Pas question n’ont plus d’emmener les vignerons dans des impasses techniques : « Actuellement, élaborer un grand vin sans aucun traitement, on ne sait pas faire », d’où la nécessité de trouver des techniques et des produits alternatifs.
La profession compte sur le soutien des pouvoirs publics
Au-delà du besoin de valorisation de ces démarches auprès des consommateurs, la profession compte sur les pouvoirs publics pour soutenir cette transition, notamment par le biais du plan d’investissement de 5 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement. Une aide qui pourrait servir par exemple à financer la modernisation du parc de pulvérisateurs mais aussi le changement de pratiques culturales les 5 premières années. Et ce plan ne peut exister que si les entreprises vinicoles sont pleinement en capacité d’investir dans ces grandes évolutions, « d’où la nécessité aussi de mettre en œuvre une série de mesures concernant leur résilience », ajoute Jérôme Despey, président du Conseil spécialisé « vins » de FranceAgriMer. Ces mesures consistent notamment à renforcer la mise en place de réserves (VCI), à rendre plus attractif le dispositif assurantiel actuel et à mettre à plat la fiscalité des entreprises (taxes foncières, fiscalité de la transmission du foncier, fiscalité des stocks et de l’épargne de précaution…).
Pour plus d’efficience économique, Jérôme Despey insiste également sur la nécessité d’étendre les politiques de contractualisation pluriannuelles intégrant des formules de prix, comme c’est actuellement le cas en Languedoc entre négociants et coopératives. Mais la filière « vins » a la particularité d’être gérée au niveau régional et non pas national. C’est donc maintenant aux bassins viticoles de s’approprier ce plan et de le décliner, en prenant en compte les particularités régionales. « Il est important de constituer des groupes de viticulteurs leaders qui vont entraîner les autres », explique Jérôme Despey. Récemment, le Languedoc a déjà annoncé des plans de réduction des phytosanitaires sur leurs territoires. Des locomotives qui devraient tirer toute la profession dans cette voie.
Publié le 5 mars 2018
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