Concurrence
Le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône sanctionné pour entente
(Autorité de la Concurrence, décision du 23 mai 2018, n°18-D-06)
Le syndicat susvisé a élaboré et diffusé des grilles tarifaires à partir de 2010, avec pour objectif de faire remonter les cours des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône (blanc, rouge, rosé), ainsi que pour certaines gammes de vin rouge. L’objectif voulu ayant été atteint en 2014, des préconisations tarifaires ont ensuite été diffusées par le syndicat pour stabiliser les cours. Ces diffusions étaient réalisées via le journal « Le Vigneron », journal édité et diffusé par le syndicat des producteurs, l’envoi de newsletters aux adhérents et l’organisation de réunions dans les différents secteurs.
L’Autorité de la Concurrence rappelle que les organisations de producteurs (OP) et les associations d’organisations de producteurs (AOP) peuvent déroger au droit des ententes et négocier des conditions contractuelles communes pour leurs membres, voire des prix communs, sous certaines conditions. Or, un syndicat interprofessionnel ne fait pas partie des organisations susvisées. Ce type de structure n’est donc pas autorisé à donner des consignes tarifaires à ses membres, mais peut uniquement leur fournir des indicateurs et des informations pour aider ses membres dans la gestion de leur entreprise.
L’Autorité de la concurrence a ainsi prononcé une sanction de 20.000 euros à l’encontre du syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône, lequel devra informer ses membres par newsletter, selon les mêmes modalités que la diffusion des consignes tarifaires sanctionnées. Cette décision est à mettre en perspective avec l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence début mai concernant l’interprétation des règles de concurrence dans le secteur agricole (cf. ci-après), et permet notamment d’éclairer les OP et AOP sur les possibilités d’actions qui leur sont ouvertes.
L’Autorité de la Concurrence précise les conditions d’application du droit de la concurrence au secteur agricole (Autorité de la Concurrence, avis du 3 mai 2018, n°18-A-04)
Le Ministre de l’Economie et des Finances a saisi l’Autorité de la Concurrence d’une demande d’avis sur les possibilités offertes aux acteurs du secteur agricole pour structurer leurs filières et adapter efficacement l’offre à la demande. L’avis concerne quatre grands axes.
1) Les pratiques horizontales (entre producteurs)
L’Autorité admet que les pratiques au sein des AOP (associations d’organisations de producteurs) et des OP (organisations de producteurs) formellement reconnues comme telles par les Etats-membres, échappent aux restrictions du droit de la concurrence si elles sont strictement nécessaires pour atteindre les objectifs assignés à l’AOP ou l’OP. Les pratiques concernent les échanges d’informations stratégiques, la fixation collective de prix minima de vente, etc.
L’Autorité rappelle en outre qu’une nouvelle dérogation aux règles de la concurrence vient d’être introduite par le règlement « Omnibus ». Pour en bénéficier, les conditions suivantes doivent être respectées par les AOP et OP :
- la dérogation ne concerne que l’une des missions suivantes des AOP et OP : planification de la production, optimisation des coûts de production, mise sur le marché et négociation des contrats au nom des membres ;
- l’OP ou l’AOP doit exercer effectivement l’une des sept activités prévues à l’article 152 § 1 b) du Règlement OCM (transformation conjointe, distribution conjointe, acquisition conjointe d’intrants…) ;
- l’OP ou l’AOP doit concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de ses membres.
La dérogation peut être retirée lorsque la pratique conduit à une « exclusion de la concurrence » ou à menacer les objectifs de la PAC. Les pratiques et la dérogation susvisées qui seraient mises en place entre AOP et OP (et non au sein de celles-ci) sont en revanche susceptibles d’être prohibées au regard du droit des ententes.
2) Les accords verticaux (entre acteurs du secteur au sein des interprofessions)
L’Autorité reconnaît que les organisations interprofessionnelles (OI) peuvent diffuser des indicateurs ou des indices relatifs aux coûts de production, sous réserve de respecter certaines conditions. A ce titre, les OI peuvent élaborer pour leurs membres des contrats-types, fournir des informations économiques générales, ou encore établir des clauses types de répartition de la valeur entre les agriculteurs et leurs premiers acheteurs. En revanche, il est interdit aux OI de mettre en place des actions de régulation des volumes, de fixer les prix ou des quotas.
Ainsi, les indicateurs et clauses de répartition ne doivent pas avoir de caractère normatif ni devenir obligatoires. Ils ne doivent pas non plus être considérés comme des recommandations de prix pouvant aboutir à un accord collectif sur les niveaux de prix des opérateurs.
Les OI peuvent notifier à la Commission Européenne leurs indicateurs et clauses-types afin de vérifier leur conformité au droit de la concurrence.
3) Les démarches dites tripartites
L’Autorité encourage la contractualisation entre les trois principaux acteurs, à savoir les producteurs, les industriels et les distributeurs.
La succession d’accords bipartites, entre producteur et transformateur, puis entre transformateur et distributeur, sont un gain d’efficience, car ils permettent une meilleure rémunération et garantie de débouchés pour le producteur, constituent une garantie de rentabilité de ses infrastructures pour l’industriel, et enfin sont une garantie pour le distributeur d’un approvisionnement conforme à ses exigences.
L’Autorité précise néanmoins que les parties doivent être prudentes si elles détiennent une part de marché supérieure au seuil de 30% prévu par le règlement sur les restrictions verticales, et ce d’autant plus si le contrat est basé sur une relation d’exclusivité.
4) Les filières de qualité
L’Autorité recommande aux acteurs du secteur agricole de se fonder sur les dispositions d’exemption propres au secteur agricole pour justifier des pratiques permettant une montée en gamme de la production. Des règles contraignantes peuvent ainsi être adoptées par les Etats-membres, pour la régulation de l’offre dans le secteur vitivinicole, sur des considérations en matière de qualité. Ces règles ne peuvent toutefois pas porter sur les prix.
En conclusion, cet avis vient préciser de façon opportune les modalités d’application du règlement « Omnibus », entré en vigueur le 1er janvier 2018, et la façon dont l’autorité administrative indépendante compte interpréter ses dispositions. C’est d’ailleurs en se basant sur ces éléments que l’Autorité a prononcé dans la foulée une décision à l’encontre d’un syndicat de vignerons, laquelle est détaillée ci-dessous.