En 2021, Vinea Transaction a fêté ses 30 ans. Pionnier, son gérant et fondateur Michel Veyrier a été le premier à se spécialiser dans la transaction immobilière d’exploitations viticoles en France. Témoin privilégié de l’évolution du marché depuis ces trois dernières décennies, il nous décrypte la tendance qui signe le retour des investisseurs français depuis la crise du Covid.

 

Dans quel contexte avez-vous créé Vinea Transaction il y a trente ans ?

Je suis agronome et œnologue de formation, et fils de vigneron. Dans le cadre d’études prospectives sur le secteur viticole menées au sein d’un bureau d’études pour lequel je travaillais, nous nous sommes aperçus que le milieu vigneron était âgé. Il fallait préparer l’avenir pour transmettre les exploitations et répondre à l’évolution de la filière qui s’orientait de plus en plus à l’international. En 1991, j’ai un peu créé le métier de négociateur de transactions viticoles en lançant Vinea Transaction. J’ai démarré à Montpellier qui était une sorte d’Eldorado. Le Languedoc était un vignoble émergent, en pleine restructuration et pas cher. Il correspondait au goût international : un vin sur le fruit et l’aromatique plus ou moins prononcé avec l’élevage en barrique. Les 25 cépages les plus consommés dans le monde sont présents en Languedoc. Il n’y a pas un cépage qui ne puisse s’adapter à notre région.

Du Grand Languedoc nous avons élargis au Rhône Sud et à la Provence, mon terrain de jeu reste le vignoble méditerranéen qui concentre 70 % du vignoble français. Puis en l’an 2000, Vinea Transaction est devenu le premier réseau en ligne avec l’émergence d’internet. Nous avons tissé une toile sur le Grand Sud-Ouest, la Loire, la Bourgogne et la Champagne.

 

Bien plus qu’une agence immobilière, vous conseillez l’investisseur dans son projet global.

Notre force est d’aider l’investisseur à définir son projet et à trouver le produit. Étonnamment ce dernier n’a pas forcément d’idées précises. Au-delà de l’assise financière, il faut prendre en compte son âge, son parcours professionnel et son environnement familial. Nous travaillons ainsi en amont le projet de reprise avec une analyse sociale, économique et fiscale. Très souvent nous contribuons ainsi à identifier son projet et ses motivations avant de partir en visite. Notre travail d’écoute est essentiel.

Une fois le bien identifié nous le négocions et le certifions et accompagnons son montage financier et juridique. Nous réglons pas mal de contraintes et de problématiques d’acquisition tel la règlementation SAFER, qui n’est pas, contrairement à ce que l’on peut entendre, un passage obligé. Nous intervenons également de plus en plus sur une difficulté nouvelle à régler et qui concerne le personnel et les ressources humaines.

L’acquisition une fois réalisée nous mettons à disposition notre carnet d’adresses issus de 30 ans d’activité. C’est un véritable sésame facilitateur à l’intégration et à la réussite du projet de reprise.

 

Quels sont les profils des investisseurs actuels en France ?

Il y a vingt, il y avait beaucoup d’investisseurs étrangers. Puis avec la crise de La City en 2007-2008, les Anglo-Saxons ont levé le pied. Avant 2010, les étrangers représentaient 30 à 35 % des transactions. Après 2010, plus que 15 %.

Aujourd’hui, depuis la crise du Covid, le marché est dominé par les investisseurs français qui représentent 95 % de nouveaux acquéreurs. La moitié est constituée de professionnels du vin, souvent des structures familiales qui investissent pour les enfants dans le cadre d’une succession. L’autre profil est incarné par des entrepreneurs hors secteur vin qui ont vendu leur société et ont la capacité de réinvestir.

 

Des régions deviennent plus attractives, d’autres inaccessibles ? 

Les deux régions les plus attractives sont le Grand Sud-Ouest et le Grand Sud-Est. Elles représentent 80 % des transactions. Le grand Bordelais a du mal à se commercialiser car la rentabilité n’est pas évidente, mais il commence à y avoir de belles opportunités. Cependant, la climatologie n’est pas très favorable aux vins bios, qui sont une forte demande. En Bourgogne où le climat est très humide, on reste très cher : l’hectare démarre à 1 million d’euros. Cette montée des prix a été favorable au Beaujolais où de très belles reprises ont été réalisées.

La Loire est un très bon rapport qualité/prix. La Provence reste facile d’accès. Ses prix ont doublé en 10 ans (de 50 000 € à 100 000 € l’hectare), en même temps que ceux du rosé.

Le marché le plus attractif en Languedoc reste celui du Grand Montpellier : Vin des sables (très rentable), Picpoul de Pinet, Terrasses du Larzac, Pic Saint-Loup, Grès de Montpellier. En Pic Saint-Loup, les prix surchauffent depuis 6 ans. C’est la première appellation du Languedoc à avoir dépassé les 100 000 euros l’hectare.

Le marché le plus dur est celui des Corbières Minervois car l’aspect volumétrique dégrade la rentabilité. Il y a moins d’excitation. En revanche, les Pyrénées-Orientales reviennent au goût du jour.

 

Avez-vous constaté plus de faillites pendant la crise ?

Je ne l’ai pas ressenti. Les dispositifs mis en place avec les PGE (Prêt garanti par l’État) ont été salutaires pour les propriétés. Le vigneron a fait le dos rond encore plus qu’avant.

Dans d’autres secteurs d’activité faire faillite, c’est ne plus rien avoir et repartir à zéro. Une exploitation, même en faillite ne se déprécie pas réellement. Un vigneron peut gommer sa dette sur la valeur de son domaine ce qui n’est pas le cas du boulanger, du cafetier ou du restaurateur du coin. Dans une propriété, il n’y a pas que la rentabilité, il y a le capital qui est prépondérant et fait qu’il y a toujours autant d’appétence pour l’investissement viticole car le capital ne disparaît pas. C’est très sécurisant.

La crise sanitaire a d’ailleurs suscité de nouvelles vocations avec des motivations environnementales. Vivre dans un domaine apporte sérénité grâce au cadre de vie.

 

Quelles sont les préoccupations des vignerons ?

La règlementation devient de plus en plus lourde à gérer et ce à tous les étages. Un exemple parmi tant d’autres : les zones de non traitement ZNT. Certaines parcelles ne pourront plus être traitées alors que c’est le lotissement qui va à la vigne et non l’inverse.

 

Vous avez adhéré à Vinseo il y a quatre ans. Que vous apporte le réseau ?

Ce que j’aime dans le cluster Vinseo c’est que c’est un superbe couteau-suisse et un très bon carnet d’adresses. Nous bénéficions du pôle recherche et développement de Montpellier avec des analyses différentes et pertinentes et des outils nouveaux pour piloter les exploitations de demain. Vinseo apporte beaucoup de solutions. 70 % des adhérents ont 30 ans. C’est important de se tenir au courant des innovations de la filière.

 

Vous allez participer au projet d’étude prospective de la filière qui sera prochainement réalisé et animé par France Agrimer et l’IHEV (l’Institut des hautes études de la vigne et du vin) pour Vinseo.

Ce groupe de travail se réunira une fois par mois pour parler des problèmes économiques, techniques et environnementaux à venir dans la filière, et creuser la question de comment les anticiper. Nous sommes une dizaine de participants. Chacun va apporter sa contribution à la réflexion.

 

 

 

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