Hervé Hannin, directeur du développement de l’Institut des hautes études de la vigne et du vin de Montpellier SupAgro, a encadré un travail d’étudiants, commandité par VINSEO et rendu fin 2018, sur l’impact économique des fournisseurs de la filière vitivinicole en Occitanie.
Hervé, quelles étaient les attentes de ce rapport ?
A la demande de VINSEO, il s’agissait d’entamer un travail d’analyse sur les fournisseurs de la filière vitivinicole, incluant une évaluation de leur poids économique en Occitanie. Dans cette optique, une première étape devait consister à proposer une nouvelle typologie des multiples acteurs concernés, plus complète et plus efficiente que celle qui structurait jusqu’ici le fichier des adhérents et prospects de VINSEO.
Une attente supplémentaire résidait ainsi dans la mise à jour de la base de données de VINSEO, ainsi restructurée. Enfin, comme retombées secondaires de l’étude, des recommandations étaient souhaitées de nature à favoriser une meilleure connaissance des membres du cluster, ou encore la prospection de nouveaux membres pour développer ce réseau par une meilleure compréhension de sa notoriété et de son image…
Avec qui avez-vous collaboré sur cette étude dont vous étiez le tuteur ?
Les auteurs de l’étude étaient quatre étudiants de Montpellier SupAgro, élèves ingénieurs, dans le cadre d’un Projet d’élèves-ingénieurs (PEI) réalisé entre mars et décembre 2018 : Ambre Duccini, Romane Leclerc, Johann Martin, Sixtine Mazin. Ils ont effectué un travail précieux et méthodique et ont bénéficié des données et conseils de leur tuteur et professeurs de Montpellier SupAgro ainsi que de Miguel Angel Sobas, directeur de VINSEO, commanditaire de l’étude.
Quelles sont les principales conclusions de ce rapport ?
L’étude a permis d’affiner la connaissance de la filière souvent mal connue que représentent les fournisseurs du secteur vitivinicole, de toutes catégories, offreurs de biens comme de services. Une typologie originale de ces fournisseurs a été proposée, a priori plus complète que la base utilisée jusqu’ici par VINSEO, tout en conservant une simplicité de l’arborescence (accès possible en trois clics). Elle retient six domaines d’activité : vigne, vin et chai, mise, marche, institutions et entrepreneuriat. Elle affine ensuite chaque domaine en catégories. Enfin, un « switch-métiers » – concepteurs, producteurs, distributeurs – est valable pour tous les domaines d’activité et pour toutes les catégories.
Cette typologie ainsi revisitée et complétée permet de mieux rendre compte à la fois de l’importance économique de ces acteurs, de leur contribution à et de leurs attentes par rapport à VINSEO. En second lieu, l’étude permet de prendre conscience de la belle représentativité et du leadership du cluster dans l’organisation de cette filière de fournisseurs. C’est là un joli résultat déjà palpable, dont les pionniers visionnaires de cette initiative autour d’Antoine Talhouk peuvent être fiers quelque 11 ans après sa création.
Montpellier SupAgro qui, avant d’en devenir membre, a accompagné ce réseau dès la première heure en apportant ses méthodologies prospectives et stratégiques, s’est associé à cette fierté collective ! En creux, l’étude permet de mesurer les marges de progrès existant pour VINSEO : marges quantitatives en prenant en compte les nombreux fournisseurs encore non-adhérents ou même dont la catégorie n’est pas encore significativement représentée dans le cluster ; et des marges qualitatives tant les attentes des entreprises, exprimées ou potentielles, vis-à-vis de VINSEO devront être encore davantage prises en compte dans l’avenir.
Quelle est l’importance du poids économique des fournisseurs de la filière en Occitanie ?
L’étude permet de proposer une première approximation du poids économique de l’ensemble des fournisseurs vitivinicole en Occitanie. En quelques chiffres, c’est 7 milliards d’euros de chiffres d’affaires, 2 200 entreprises et 73 500 emplois. Ces chiffres méritent d’être encore consolidés et affinés, et ce sera là l’objet d’une prochaine étude PEI cette année.
Pourquoi est-ce une filière complexe ?
Evaluer l’importance et le poids économique des fournisseurs de la filière vitivinicole était un projet d’une grande ambition. En effet, la multiplicité et la diversité des acteurs de cette filière rend vraiment difficile la mesure et l’obtention de chiffres sur base d’indicateurs simples. Avaient-ils même d’ailleurs, ces distributeurs de produits phytosanitaires, ces conseillers en œnologie, ces recruteurs de ressources humaines ou avocats des appellations d’origine, une égale conscience d’appartenir à cette filière avant que VINSEO ne vienne l’identifier il y a quelques années ? Dans une filière ainsi « reconstruite », dont le point commun des membres est de fournir les producteurs et négociants en biens et services, les statistiques les plus basiques comme les données bibliographiques n’existent guère ! Les quantifications ne peuvent être alors que des estimations à recouper et valider avec prudence.
En outre, les définitions-mêmes supposent quelques consensus à construire : dans un marché du vin qui s’est largement et rapidement mondialisé ces dernières décennies, la notion-même d’acteur régional est ainsi difficile à définir. Quel critère retenir ? L’activité en région, l’activité principale en région, l’activité initiale en région… ? De même, certaines entreprises ont une activité non seulement hors région mais aussi hors secteur vitivinicole. Et les indicateurs ne sont pas toujours disponibles sur le seul secteur et la seule région… Il a donc fallu construire des indicateurs pertinents qui prennent en compte cette spécificité et la complexité de la filière.
Comment est perçu VINSEO auprès des acteurs de la filière ? Quelle est l’image et l’impact du cluster ?
L’étude a permis de soulever la question de la notoriété de l’association, car de multiples acteurs ne connaissaient pas toujours VINSEO. Afin d’améliorer cette notoriété, les auteurs ont suggéré de développer davantage de campagnes de publicité pour accroître le rayonnement de l’association par le biais notamment d’articles de presse. Un autre aspect a été également identifié à l’issue des entretiens, concernant l’image de VINSEO : trop souvent identifié à une « petite » structure, avec un prix d’adhésion élevé, le réseau VINSEO peine à faire valoir sa valeur ajoutée et le rapport coûts/bénéfices pour les adhérents.
La préconisation des auteurs est alors de réaliser lors des divers événements de véritables opérations de communication directement avec les acteurs, en favorisant les actions de « face à face » afin de faire émerger « en live » tous les avantages de VINSEO et les impacts concrets d’une adhésion… Vinitech a été l’occasion de renforcer la visibilité du cluster notamment par quatre posters pédagogiques édités par les auteurs de l’étude. Le premier poster mettait en lumière le poids économique de la filière vitivinicole en France d’un point de vue macroéconomique. L’objectif du second poster était de présenter la typologie réalisée lors de notre première phase de travail pour mettre en avant notre conception de « l’écosystème vitivinicole ».
Le troisième poster valorisait l’association par l’utilisation de quelques chiffres (nombre d’adhérents et leur chiffre d’affaires total, le nombre de salariés) et de montrer à la fois son poids, sa diversité et ses missions. Enfin, le quatrième poster mettait en perspective les relations entre Montpellier, Toulouse et Bordeaux et leur force incontestable dans un contexte d’union souhaitable de leurs efforts. Elles forment un axe d’excellence reconnu mondialement dans le monde du vin pour la formation, la recherche et l’innovation. VINSEO a raison de s’inscrire dans cet axe en renforçant les dynamiques à l’œuvre dans l’enseignement agronomique et œnologique comme dans le pôle de compétitivité AgriSudOuestInnovation.
Que doit améliorer VINSEO ?
Ainsi suite au travail de prospection au salon Vinitech 2018 de Bordeaux, il a été préconisé d’entreprendre des campagnes de communication plus ambitieuses dans l’objectif d’améliorer la notoriété et l’image de VINSEO. Cette étude a pu fournir une première estimation du poids économique des fournisseurs de la filière vitivinicole. Elle gagnera à être poursuivie à la faveur d’un prochain nouveau PEI en 2019 que j’aurai plaisir à encadrer.
La stabilisation d’indicateurs économiques fiables permettrait d’enregistrer les évolutions propres à la filière des fournisseurs. Mais surtout VINSEO devrait davantage faire connaître et rappeler ses fondamentaux : sa capacité à faire comprendre à ses adhérents les spécificités et les évolutions de la filière vin, dans ses dimensions internationales et dans ses capacités à innover. L’ouverture vers les laboratoires de recherche et d’innovation fait partie de l’ADN du cluster qui a acquis un vrai savoir-faire ces dernières années… C’est alors que VINSEO pourra atteindre sa pleine et durable reconnaissance en tant que cluster, moteur et acteur de la modernisation de la filière vitivinicole…