Caroline Pillore, directrice générale de Consign’Up : « Le réemploi du verre doit prendre une place plus importante pour l’avenir de la planète »

Enjeu de taille pour le réseau toulousain Consign’Up : embarquer la grande distribution dans le défi énergétique du réemploi du verre. Caroline Pillore, sa directrice générale, pointe un autre objectif pour développer plus largement la filière : mettre autour de la table les acteurs de l’emballage pour recycler beaucoup plus de verre.

Caroline Pillore, entourée d’Axel Gibert, administrateur de la coopérative, et de Jodie Martin, responsable développement de la filière © Vincent Nguyen

Caroline Pillore, la consigne revient en force. Comment vous est venue l’idée de créer Consign’Up ?

J’ai travaillé dans des grands groupes industriels dans la chaîne logistique pendant quinze ans. Le dernier poste que j’ai occupé était dans l’agrochimie. À l’occasion d’un voyage au Danemark, j’ai eu un déclic en découvrant des applications concrètes pour se mobiliser pour l’écologie. J’avais envie d’entreprendre de façon indépendante dans quelque chose qui soit plus aligné avec mes convictions.

Consign’Up était au stade d’idée. J’ai rejoint Première Brique, un incubateur d’innovation sociale à Toulouse. Nous avons d’abord fondé la structure sous forme d’association avec Marion Lembrez et Cécile Grau, qui sont aujourd’hui sociétaires. En 2019, une étude de faisabilité et une expérimentation ont confirmé l’intérêt local pour ce type d’initiative. Le projet a ainsi démarré de façon concrète en 2020.

Depuis 2022, Consign’Up est une SIC. Qu’est-ce que cela change ?

Devenir une Société coopérative d’Intérêt Collectif nous permet d’associer plusieurs acteurs dont les collectivités en tant que sociétaires. Aujourd’hui, ils sont 80 sociétaires à prendre part à Consign’Up.

Consign’Up a vocation à structurer la filière entre producteurs, conditionneurs, revendeurs et logisticiens. Aujourd’hui, sur quel secteur géographique intervenez-vous ?

Notre périmètre est essentiellement basé autour de Toulouse, en Haute-Garonne, et dans les départements limitrophes (Lot, Gers, Tarn, Aude, Hautes-Pyrénées, Ariège).

Tous les producteurs peuvent-ils faire appel à vos services ?

Les producteurs qui font le choix du réemploi doivent accepter notre cahier des charges. Celui-ci implique notamment le choix d’étiquettes adaptées qui puissent se décoller au lavage. Nous préconisons également l’utilisation de bouteilles en verre standard. Cependant, les bouteilles personnalisées peuvent être prises en charge pour une prestation de « lavage à façon ». Pour ce type de bouteilles, les producteurs sont autonomes pour la récupération des bouteilles et leur acheminement au centre de lavage.

Combien de points de collecte sont aujourd’hui opérationnels ?

Nous en comptabilisons une soixantaine, majoritairement sur Toulouse.
Ils regroupent des producteurs qui possèdent des points de vente, des magasins qui font partie du réseau, ou des épiceries spécialisées.
Notre ambition est d’ouvrir ce dispositif plus largement, notamment à la GMS (Grande et moyenne surface).

Qu’est-ce qui aujourd’hui fait franchir le pas des producteurs vers le réemploi du verre ?

La crise énergétique et la hausse des prix du verre qui ont provoqué une forte pénurie ont poussé de nouveaux types de structures vers cette alternative. Il y a des vignerons de taille modeste déjà convaincus par la démarche, et d’autres, des plus grosses structures comme des caves coopératives, qui ont fait le choix de passer une de leurs gammes en réemploi. Il est plus facile de commencer par une gamme ayant une plus grosse rotation et qui est rapidement consommée.

Comment incitez-vous le consommateur à rapporter les bouteilles ?

Pour embarquer largement les consommateurs, nous avons fait le choix d’une consigne incitative financière. En Allemagne, les taux de retours par incitation financière sont de 95 %.
Dans le réseau Consign’Up, le consommateur paie 30 centimes qui lui sont remboursés au retour.

Une bouteille recyclée VS une bouteille consignée : le fossé énergétique est-il si grand ?

Les chiffres sont clairement à la genèse de Consign’Up. Il faut savoir que pour fabriquer une bouteille recyclée, les débris de verre sont chauffés à 1 500 degrés pendant 24 heures.
Pour laver et réutiliser un contenant en verre, celui-ci est immergé pendant 15 minutes dans un bain d’eau chaude à 80 degrés. L’économie d’énergie est de 76 %. On est à – 80 % de CO2 émis en lavant une bouteille, et même à 33 % d’économie d’eau.

Sans compter que les bouteilles en verre blanc ne sont pas issues du recyclage et nécessitent 100 % de matière vierge.

Comment généraliser la consigne en France ?

Nous travaillons en lien permanent avec d’autres structures pour l’harmoniser. Il existe une fédération, France Consigne, qui regroupe une dizaine d’opérateurs et travaille sur le développement national du réemploi. Il y a de forts enjeux sur les flux logistiques qu’il faut optimiser et mutualiser pour éviter de faire des centaines de kilomètres qui n’auraient pas de sens.

Quels sont les autres freins ?

Il faut savoir que 98 % des volumes en verre ne peuvent pas se laver. Nous devons donc travailler directement à la source, avec la filière de l’emballage et du packaging. Nous collaborons avec des imprimeurs pour expérimenter les supports et permettre de varier les possibilités de rendus qui soient lavables.

Votre prochaine étape de développement ?

En 2023 nous aurons collecté près de 150 000 bouteilles. Notre objectif est d’atteindre le million de bouteilles collectées et redistribuées par an.
Consign’Up lance sa phase industrielle avec l’internalisation de la partie lavage grâce à sa propre centrale.
Il faut trouver des leviers économiques pour que ce soit une solution rentable. Car c’est une filière qui démarre.
Nous lançons d’ailleurs une campagne de financement participatif début novembre : https://fr.ulule.com/filiere-de-reemploi-de-bouteilles-en-verre/

Qu’attendez-vous du réseau Vinseo ?

Ce qui nous a motivé à adhérer en juin dernier c’est de faire connaître à toute la filière vinicole et à l’agro-industrie cette solution en bénéficiant de l’expertise du réseau. Le réemploi du verre est une alternative au recyclage. Il est important qu’il prenne une place plus importante pour l’avenir de la planète.

Consign’Up
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