Fort de son expérience dans l’agroalimentaire, le groupe danois Novonesis, fusion de Novozymes et Chr. Hansen, produit des ferments et des enzymes pour le vin depuis les années 80. Pour Nicolas Prost, basé à Montpellier, référent de la gamme Viniflora en France et support technique Europe, l’utilisation des ferments offre de nombreux atouts dans un monde viticole en crise où tout s’accélère.
Nicolas Prost, pouvez-vous nous en dire plus sur le nouveau groupe Novonesis ?
Novonesis est né fin février 2024 d’une fusion entre Novozymes, entreprise de biotechnologie spécialisée dans les enzymes, et Chr. Hansen spécialisée dans la production de cultures (bactéries et levures).
Ces deux sociétés de biotechnologie danoises avaient un ADN commun. Elles ont souhaité mutualiser leur recherche et développement, pour qui elles consacrent entre 12 et 14 % des bénéfices.
L’usine de production de bactéries est basée à Saint-Germain-les-Arpajon dans l’Essonne. Ce siège France regroupe 280 collaborateurs qui travaillent dans la production de ferments, notamment pour le vin, mais aussi au service qualité, dans le marketing, au sein des équipes commerciales et service client…
Le groupe possède également des sites de production de ferments au Danemark, aux Etats-Unis et en Allemagne.
Quel est le lien avec l’Occitanie ?
Je suis basé à Montpellier. Cela fait plus de vingt ans que je travaille pour Chr. Hansen. Cette société existe depuis 1874. Christian DA. Hansen était un pharmacien danois pionnier. Il a été le premier à étudier la fermentation, notamment sur la sélection de bons enzymes pour éviter les pertes de production lors de l’élaboration du fromage. Chr Hansen s’est développé dans les applications de fromage frais, affinés, la viande, le poisson, les boissons, la santé humaine et animale ainsi que la santé des plantes.
Ce qui fait la force du groupe, c’est que l’on travaille sur des applications très sensibles d’un point de vue microbiologique, comme le lait et viande. En plus de la rigueur danoise, nos standards de production sont très élevés, plutôt de l’ordre de la pharmacie, que de l’alimentaire, notamment pour nos activités dans les probiotiques (« les bonnes bactéries »).
Pour ma part, j’ai étudié à la Faculté de Pharmacie de Montpellier et je suis œnologue de formation. J’ai aussi développé nos activités en brasserie, kombucha, et tout ce qui est produits fermentés, alcoolisés ou non, à base de fruit.
Depuis quand Chr Hansen s’intéresse de plus près à la fermentation du vin ?
Les bactéries à ensemencement direct sont apparues dans les années 1980. Le vin est l’aliment fermenté le plus compliqué à comprendre d’un point de vue fermentaire. Le moût n’est pas pasteurisé et la pruine du raisin contient beaucoup de micro-organismes, des bons et des moins bons.
Avant nous faisions des pieds de cuve fastidieux pour enclencher des fermentations malolactiques récalcitrantes. Aujourd’hui nous pratiquons l’ensemencement direct DVS® (Direct Vat Setting) en inoculant les cuves directement.
Qu’est-ce-que cela change dans le process du vinificateur ?
C’est beaucoup plus rapide. La fermentation malolactique va se faire plus vite. C’est un gain de temps, d’énergie (électricité ou gaz), d’argent pour une exploitation.
Il y a des caves qui préfèrent maitriser leurs fermentations et qui pilotent l’utilisation de levure et de bactérie. Le vin produit est ainsi présentable plus rapidement sur le marché.
On assiste à une évolution des pratiques : modernisation des procédés et automatisation des outils.
La bactérie est un superbe outil pour lutter contre des mécanismes de contamination, notamment les Brettanomyces responsables de vins déviants. Les bactéries lactiques permettent d’inhiber précocement le développement de ces mauvaises levures.
Qu’est-ce que vos bactéries apportent de différent au vin ?
Nous avons sélectionné sept souches différentes de bactéries lactiques avec des caractéristiques bien distinctes.
On peut par exemple gommer des notes végétales, améliorer la complexité, apporter du fruité, ou de la fraicheur au vin grâce à la maitrise de la FML (fermentation malolactique).
Nous sommes aussi spécialisés dans les levures un peu exotiques. Les levures dites non-Saccharomyces, levures de préfermentation, qui vont par exemple acidifier naturellement les vins. Nous étions d’ailleurs les premiers à sélectionner ce style de souche, grâce à notre expertise dans les flores d’affinage des fromages.
En 2005, nous avons lancé les bactéries congelées ‘Frozen’ F-DVS. Elles sont utilisées par de gros utilisateurs car très concentrées et économiques à l’usage. Notamment aux Etats-Unis et en Australie, où 40 % des vins sont ensemencés en bactéries.
En France, y a-t-il des régions plus friandes que d’autres ?
Historiquement je dirais le Beaujolais qui a été précurseur dans l’utilisation de bactéries, en co-inoculation avec les levures pour gagner du temps pour la mise en marché des vins primeurs.
Le Languedoc devient un utilisateur clé car on y vinifie des typologies de vins très variées avec des objectifs en termes d’organoleptique très ciblés : des vins sans SO2 à stabiliser microbiologiquement, aux vins en vrac dégustés prématurément, en passant par le segment premium.
C’est partout une course contre la montre : il faut des vins nets loyaux et marchands de plus en plus tôt.
Les acheteurs poussent donc à raccourcir le temps de vinification ?
Le monde du vin est en crise et l’acheteur a l’embarras du choix.
Le salon World Bulk Wine Exhibition (WBWE) d’Amsterdam a un peu révolutionné les choses. Le salon international du vin en vrac a lieu dès la fin novembre, et parfois les vins rouges présentés y sont encore gazeux. Cela veut dire qu’aujourd’hui, il faut être prêt à cette date : présenter des vins nets et travaillés.
On voit aussi cette tendance chez les journalistes et influenceurs qui passent dans les caves juger du millésime en fin d’année et non plus au printemps. Ça c’est très nouveau.
Une médaille au Concours Agricole de Paris se gagne dès la fin d’année. Les dégustations des vins primeurs de Bordeaux ont lieu en avril, alors que ces vins seront commercialisés pour certains deux ans après.
Pourquoi avoir rejoint Vinseo ?
L’Occitanie est l’un des plus grands vignobles du monde avec la plus grande variété de vins au monde produite : effervescents, vins rouges, blancs, rosés…
On y retrouve de nombreuses techniques de vinification.
L’Occitanie regorge d’acteurs clés de la filière vin, de la production à commercialisation en passant par l’expertise analytique.
Vinseo est une superbe source d’échanges et d’information.
Novonesis
www.novonesis.com
Route d’Aulnay BP64
91292 Arpajon France
Nicolas Prost
Mobile : 06 86 55 23 33
Mail : nicpr@novonesis.com