« A ce jour, la vendange 2015 présente les caractéristiques d’un millésime exceptionnel. » Avec la retenue du scientifique et la pondération de l’expérience, Gwenaël Thomas avance les arguments objectifs qui, en ce début d’été 2015, invitent à l’optimisme.
L’ingénieur agronome et œnologue de l’équipe Natoli & Coe (1) pratique la prédiction. Non pas une divination au doigt mouillé mais une anticipation rigoureuse, adossée à l’historique régional : « On ne peut évoquer le millésime 2015 sans revenir sur les événements de 2014, analyse Gwenaël Thomas. Notamment les événements climatiques : un hiver peu arrosé et un important déficit hydrique. Il y a eu des dysfonctionnements de croissance et un développement hétérogène du végétal. Ce qui a débouché inévitablement sur des maturités hétérogènes. »
Ce déficit hydrique a contrarié la minéralisation de la matière organique du sol et donc les prélèvements par la vigne : les plantes ont abordé en situation de stress le trimestre d’avril à juin, où se détermine l’essentiel de la construction du végétal, de la feuille au pied qui constitueront « l’usine à sucre » future.
Mais quel rapport avec 2015 ? « La vigne ne sait pas qu’elle fait du vin, sourit l’oenologue. Le stress de 2014 l’a conduit à réaliser une mise en réserve insuffisante dans ses bois, notamment une certaine quantité de sucre, sous forme d’amidon. Ce phénomène a été confirmé par l’analyse des sarments à l’automne dernier. »
Sur ce vignoble déséquilibré, l’hiver 2015 a déroulé ses mois de douceur, particulièrement en fin de saison. Puis mars et avril déversèrent des pluies opportunes et bien positionnées dans le calendrier. « Le réveil des micro-organismes des sols a pu se faire très tôt, constate Gwenaël Thomas, avec une bonne minéralisation, bien assimilée par les plantes. La clémence du printemps a favorisé un excellent développement des racines, traduit par la présence en plus grandes quantités d’éléments nutritionnels tels que l’azote et le phosphore. »
En l’état, quantité et qualité seraient au rendez-vous
Alors, la quantité sera-t-elle au rendez-vous du millésime 2015 ? « Oui, nous avons un point de départ propice pour vendanger plus de grappes, répond clairement l’ingénieur-agronome. Cette charge sera favorable à une augmentation de la production si les contraintes hydriques ne sont pas trop fortes. »
Et côté qualité ? « Le contexte est également favorable à une vendange de qualité, avec des raisins bien alimentés par une végétation saine et équilibrée, confirme Gwenaël Thomas. En l’état, nous pourrions être sur les bases du millésime école de 2011 ! »
Rien n’est déjà gagné pour autant. Les suivis nutritionnels traduisent actuellement « une baisse des flux de minéraux dans les plantes. Sans que l’on puisse d’ailleurs expliquer si cette anomalie a un rapport avec 2014… »
Dans une autre temporalité, la réduction des intrants a favorisé l’apparition ou le retour de maladies du bois qui frappent désormais tout le vignoble français, ici comme ailleurs. « Et nous sommes aujourd’hui dans des impasses techniques », confie l’ingénieur…
Sans compter que le vigneron n’a jamais le dernier mot face au ciel : les événements météorologiques inattendus de ces dernières années invitent les exploitants à ne pas se départir de cette vertu de la viticulture qui reste la prudence. Mais l’espérance en est une autre que tout bon professionnel, en cet été 2015, ne manquera pas non plus de cultiver.
- (1) Natoli & Cœ est associé au Laboratoire Œnoconseil pour proposer analyses et conseils à ses clients (CA global de 2 M€ ; résultat de 90 K€). Natoli & Cœ regroupe une équipe de 14 personnes, majoritairement ingénieurs agronomes-œnologues. Au-delà du conseil œnologique et agronomique qui reste son cœur de métier, l’entrepise accompagne le vigneron de l’analyse du sol à la commercialisation des vins, sur tout le pourtour méditerranéen français mais aussi en Espagne, en Italie et en Allemagne.
- Natoli & Coe, 425, ave Saint-Sauveur-du-Pin, 34980 Saint-Clément-de-Rivière. Tél. 04 67 84 84 90. www.natoliandcoe.fr